« Gauguin : le sculpteur sauvage »

10 Mar

GAUGUIN P., Idole à la coquille, entre 1892 et 1893, Statuette en bois de fer, nacre, dent et en os H. 34,4 ; L. 14,8 ; P. 18,5 cm, Paris, musée d’Orsay, Donation sous réserve d’usufruit de Mme Huc de Monfreid, 1951

Dans le dossier PDF « Gauguin, un sculpteur « sauvage » des tropiques », l’auteur reste anonyme. Cependant, ce dossier semble intéressant pour divers points. Il condense un nombre d’informations importantes de manière très claire. De plus, l’auteur articule son propos avec des œuvres précises de Gaugui,n ce qui rend le dossier d’autant plus agréable à lire.

Dans la première partie, l’auteur explique pourquoi Gauguin est passionné par le « sauvage ». Il souhaite revenir à la pureté originelle. « Il est hanté par cette idée qui l’amène à ses évasions successives en Bretagne, à la Martinique, à Tahiti, aux îles Marquises. »

Ensuite, l’auteur parle de la manière dont Gauguin se tourne vers l’art de la sculpture, car c’est à cet art même que s’intéresse l’article et non aux peintures de Gauguin. C’est aussi en cela qu’il est intéressant car il illustre la manière dont les sculptures de Gauguin témoignent de sa quête d’un âge d’or primitif. Ainsi, l’auteur décrit des sculptures de Gauguin, ce qui permet de mieux en comprendre le sens et les raisons en permettant une autre approche que celle, plus traditionnelle, de sa peinture.

Le texte rend compte de plusieurs correspondances qu’entretient Gauguin avec des amis, où il fait part de ses voyages, de ses ressentis. Cela permet de rentrer dans l’intimité de sa production artistique et de mieux comprendre ce qu’il cherche à travers les nombreuses contrées où il se rend comme on peut l’appréhender dans son oeuvre Noa Noa.

Le fauvisme

10 Mar

matisse-gauguin

Le rapport de Gauguin au primitivisme a influencé nombre d’artistes, en particulier les fauves au début du 20ème siècle. En effet, les artistes fauves sont sensibles aux œuvres de Gauguin dans lesquelles ils découvrent un traitement novateur de la couleur : la couleur pure. Cette nouvelle approche de la surface plane du médium pictural va former le début de leur théorie et de leur pratique.

C’est cette idée que développe le dossier pédagogique du site du Centre Pompidou, consacré au fauvisme et à ses origines dans l’art moderne. Il est construit très clairement et rédigé par Olivier Font. Le site du Centre Pompidou est institutionnel, toutes les sources sont citées et l’auteur renvoie toujours à d’autres dossiers pour approfondir la recherche initiale, ce qui entraîne un effet sérendipe très agréable.

Ce dossier évoque le nom de Gauguin seulement une fois dans un paragraphe argumentant les sources du fauvisme. Mais c’est tout au long de l’article que l’influence majeure et essentielle de l’art de Gauguin est mise en avant. Le sujet principal et directeur de ce dossier est la place de la couleur et son utilisation dans le fauvisme. Et c’est bien Gauguin qui est à l’origine de tout cela.

La théorie que développe Matisse sur la couleur et l’extrait de son ouvrage Écrits et propos sur l’Art, dans le dossier pédagogique, permettent de mettre en rapport l’art de Gauguin à l’art des artistes fauves.

On peut lire dans le dossier que « Le paradis accessible de Paul Gauguin, où la couleur libérée se dévoile sans tabous, fascine tout autant que l’art primitif qui l’inspire ». Ainsi, la fascination de Gauguin pour le primitivisme attire les artistes du fauvisme tout autant que le traitement de la couleur pure.

Pour aller plus loin sur cette question, vous pouvez aller sur le dossier pédagogique.

Noa Noa, une fable exotique

10 Mar
Paul Gauguin, Auti Te Pape (Women at the River), from Noa Noa, 1893–94, Gravure sur bois imprimée par Gauguin, Art Institute Chicago

Paul Gauguin, Auti Te Pape (Women at the River), from Noa Noa, 1893–94, Gravure sur bois imprimée par Gauguin, Art Institute Chicago

Noa Noa, le récit de voyage de Gauguin a eu une histoire mouvementée. Catherine Maubon, professeur à l’université de Sienne, dans son article « Noa Noa, une fable exotique » parle de la quête du primitif de Gauguin à travers l’élaboration de cette oeuvre écrite. Cet article est disponible dans son intégralité sur Persée (p 19- 46) et nous permet de mieux comprendre l’oeuvre Noa Noa disponible sur Gallica (voir article “Noa Noa”, dans la catégorie “Source”).

L’auteure commence par évoquer le départ de Gauguin et la quête qui le motive. De son expèrience là-bas naît le récit qu’il écrit à son retour en Europe en 1893 afin de rendre plus accessible au public son oeuvre polynésienne : « Il s’agit alors d’un livre sur Tahiti écrit dans la perspective explicite de faciliter la compréhension des toiles qui allaient être exposées » (page 25). Elle nous explique alors que ce récit a toujours été conçu comme une collaboration entre l’artiste qui prendrait la place de l’homme sauvage et serait conteur le poète symboliste Charles Morice, qui serait l’homme civilisé, le poète. Pour l’auteur Gauguin voulait écrire comme il concevait son art et elle cite l’artiste :  » Je ne veux faire que de l’art simple, très simple, rendre, comme le ferait un enfant, les conceptions de mon cerveau, avec l’aide seulement des moyens d’art primitifs, les seuls bons, les seuls vrais ». A la page 33 Catherine Maubon nous dit que Gauguin ne cherche pas à expliciter sa peinture dans son texte mais à suggérer l’atmosphère qui l’a généré en racontant des épisodes de son séjour. En effet comme elle rajoute à la page 37, Gauguin ne cherche pas à écrire un récit exhaustif mais plutôt à développer seulement les élements significatifs.

Ainsi cet article nous apporte un éclairage sur la démarche de Gauguin dans l’écriture de ce texte et par ailleurs elle nous explique que la collaboration a été plutôt un échec pour Gauguin. En effet celui-ci étant reparti en Polynésie après s’être accordé avec Charles Morice sur la teneur du récit, ce-dernier s’est approprié l’oeuvre, en subtilisant la paternité à Gauguin. A l’origine son rôle devait seulement consister en un commentaire alors que dans la version finale qui est sur le site de la BNF, Gallica, le poème tend à se substituer à la fable.

Le manuscrit original se trouvait chez le marchand Edmond Sagot. On le retrouve en 1936 puis en proposition de vente. C’est en 1951 que « Noa Noa » sortait enfin de sa nuit. Ce manuscrit était alors incomplet puisqu’il ne comportait que les écrits de Gauguin et non pas les commentaires de Charles Morice.

Pour en savoir plus sur l’histoire de ce manuscrit et l’importance qu’il revêt pour comprendre la démarche artistique et la quête de Gauguin, vous pouvez lire l’article  dans son intégralité.Vous pouvez aussi consulter notre FlickR pour voir les oeuvres réalisées par Gauguin en Polynésie, ainsi que ses gravures sur bois conçues pour illustrer ce récit.

« Passion de Gauguin »

10 Mar
GAUGUIN P., Pot en forme de tête, céramique, 1889, localisation inconnu

GAUGUIN P., Pot en forme de tête, céramique, 1889, localisation inconnu

Le primitivisme de Gauguin est envisagé la plupart du temps comme la quête d’un retour aux origines, à une vie plus proche de la nature. Or il semblerait que sa démarche soit plus complexe que cela. En effet Alain Buisine, écrivain français et professeur à l’Université LilleIII (1949-2009) dans son ouvrage Passion de Gauguin, mis en ligne partiellement sur GoogleBook, nuance cette idée. Il aborde le primitivisme de différentes façons, d’abord en remettant en question l’authenticité du primitivisme de Gauguin, pour ensuite aborder son travail de sculpture et de céramique qui serait au coeur de sa démarche primitiviste.

Pour l’auteur le primitivisme de Gauguin serait toujours médiatisé et ne serait pas un retour réel à une vie primitive. A la page 159 il avance l’idée que « le primitivisme de Gauguin[…]précède donc en fait la découverte sur le terrain », ce qu’il explicite à la page 190 en disant que ce primitivisme passerait toujours par la culture de l’autre. Finalement Gauguin envisagerait son environnement à travers le prisme de ce qu’il connaît déjà, comme quand il aborde la Bretagne ou la culture Maorie. La peinture de Gauguin serait toujours une recréation et jamais vraiment une création immédiate. D’ailleurs dans Noa noa (voir article dans les Sources sur le WordPress) Gauguin évoque sa case où se trouvent de nombreuses reproductions d’oeuvres qui ont pu l’influencer dans sa façon de représenter la vie aux Marquises. De plus les Commentaires et notes critiques de la Revue des sciences humaines n°227 Jean Lacoste explique cette idée de méditation dans le primitivisme de Gauguin. En effet l’artiste est parti avec un ensemble d’images représentant des monuments égyptiens, romains ou encore des primitifs italiens qui évoqueraient pour lui l’enfance de l’humanité et pourrait lui servir d’inspiration pour interpréter artistiquement ce qu’il voit lors de son séjour.  

Cependant Alain Buisine nuance son propos quand il aborde la question de la céramique à la page 169. L’auteur évoque le rapport de Gauguin à la poterie, la céramique. En effet ce serait une pratique primitive étant donné qu’il s’agit de créer à partir de la terre. Il y aurait bien un acte primitif dans la manipulation de cette matière originelle. L’auteur établit alors un parallèle avec l’enfance de Paul Gauguin passée au Pérou, où l’artiste aurait été en contact de poteries péruviennes. Pratiquer la poterie pourrait donc être un double retour aux origines, à la fois dans l’enfance mais aussi aux origines de la vie en quelque sorte. Ainsi la poterie et la sculpture seraient vraiment au coeur de la démarche primitiviste de Gauguin. L’écrivaine Régine Detambel a publié sur son site un article concernant le primitivisme de Gauguin où elle évoque son travail sur la céramique. En effet en  janvier 1889 Gauguin réalise un » Pot en forme de tête en grès qui est en réalité un autoportrait inspiré, pour la forme, aussi bien de cruchons populaires dans la tradition céramique anglaise (les Toby-Jugs) que des pots péruviens que possédait sa mère ».  En tant que lecteur du site nous ne parvenons pas à savoir à quel titre Régine Detambel parle de Paul Gauguin, s’il s’agit d’un intérêt personnel dont elle ferait part aux internautes ou bien si l’article vise à délivrer un contenu scientifique, mais cet article nous permet de nous pencher sur cet exemple de céramique et d’appréhender de façon plus concrète l’ouvrage Passion de Gauguin.

Finalement ce que dit Alain Buisine dans cet ouvrage c’est que le primitivisme de Gauguin n’est pas celui qu’on pense habituellement. Il serait moins dans les représentations figurées d’une vie originelle qui seraient médiatisées par es influences que Gauguin a subi, que dans la pratique d’arts où le rapport charnel à la matière est évident, dans l’utilisation de matériaux primitifs. Pour en savoir plus sur cette remise en question de la la notion de primitivisme chez Gauguin, vous pouvez consulter l’article en ligne.

Noa Noa

10 Mar
Paul Gauguin, Fatata te Miti (Près de la mer), 1892, huile sur toile, 67,9cmx91,5cm, National Gallery of Art, Washington

Paul Gauguin, Fatata te Miti (Près de la mer), 1892, huile sur toile, 67,9cmx91,5cm, National Gallery of Art, Washington

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« Noa Noa », qui signifie « odorant », est une source importante pour comprendre la façon dont Gauguin a envisagé son voyage et ce qu’il y cherchait. En effet, ce récit a été écrit par Paul Gauguin lui-même, en collaboration avec le poète Charles Morice à son retour de son premier voyage en Polynésie, entre 1891 et 1893. Le site Gallica de la BNF met en ligne la version de 1901 des éditions « La Plume ». L’ouvrage fait alterner les passages où se fait entendre la voix du conteur Paul Gauguin et ceux où le poète Charles Morcie parle. Dans son récit Paul Gauguin nous parle très rapidement de sa déception face à a vie locale : p 32 : « La vie à Papeeté me devint bien vite à charge. C’était l’Europe-l’Europe dont j’avais cru m’affranchir », « Avoir fait tant de chemin pour trouver cela, cela même que je fuyais » . Ainsi ce voyage que Gauguin réalise est bien une quête.

Il évoque dans ce récit beaucoup d’aspects de son voyage qui sont très importants dans son oeuvre comme la « beauté primitive » (p33) des Tahitiennes qu’il nous décrit, son ascension dans la montagne afin de trouver du bois pour la réalisation de sculpture, moment important pour comprendre son rapport à une nature omniprésente et qui l’inspire ainsi que son rapport charnel à la matière : “Oui, bien détruit, bien fini, bien mort, désormais, le vieux civilisé. Je renaissais, ou plutôt en moi prenait vie un autre homme, un autre, pur et fort. Cet assat cruel serait le suprême adieu de la civilisation : du mal ». « j’étais dés lors un sauvage, un vrai Maori ». (p84) et plus loin : « p91 : « Je n’ai pas donné un coup de ciseau dans cette branche de bois de rose sans respirer, chaque fois plus fort, le parfum de la victoire et du rajeunissement : noa noa! ».

Par ailleurs il évoque la croyance en des esprits qui seraient omniprésents et entoureraient les personnes ainsi que des cultes qui seraient rendu à des idoles primitives, thèmes que l’on retrouve dans certaines de ses oeuvres (p95, p134 et p 123). Enfin le thème récurrent de la baignade dans son oeuvre polynésienne intervient à plusieurs reprises dans son récit comme à la page 132 où il dit : « comme faisaient, j’imagine, au Paradis, le premier homme et la première femme ».

Pour approfondir l’approche de « Noa Noa » nous vous conseillons d’aller lire l’oeuvre intégrale sur le site Gallica qui met l’oeuvre intégrale en ligne, ainsi que de consulter notre Flikr où l’on peut trouver les gravures sur bois réalisées pour illustrer ce récit à son retour en France, dans l’album « Gravures sur bois ».